Reprise collective : l'exemple des Bouquinistes - CDRQ

Reprise collective: l’exemple des Bouquinistes

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En tant que propriétaire, transférer une entreprise chérie à nos employés peut être à la fois un soulagement et un défi passionnant pour les travailleurs ! Découvrez le parcours d’une petite librairie au grand cœur.

Un patrimoine culturel entre les mains de ses employés

Ayant pignon sur rue depuis une quarantaine d’années, la librairie indépendante Les Bouquinistes, à Chicoutimi fait partie intégrante du patrimoine culturel de la région, et pourrait-on dire, de son ADN.

Laval Martel et Anne Le May, uniques actionnaires depuis plusieurs années, sont désormais à la retraite. Mais lorsqu’ils ont envisagé leur départ, ils n’ont pas voulu laisser la librairie aux mains de n’importe qui. Cette entreprise, qu’ils avaient fondée, était beaucoup trop précieuse pour eux. Leur souhait ? Que les employés la rachètent.

Présentation de la librairie Les Bouquinistes  

  • Adresse : 392, rue Racine, Chicoutimi
  • Inventaire : Plus de 20 000 livres dont une vaste collection d’ouvrages québécois
  • Fondation : 1979
  • Statut : Coopérative de solidarité (l’entreprise est passée de Inc. à une coopérative en 2021)
  • Nombre de membres : 250

Le défi initial : Assurer la pérennité de l’entreprise

Garantir que la librairie continue de prospérer sous la direction de personnes partageant sa mission après le départ à la retraite des fondateurs.

Le plan de départ : Rachat par les employés

Mettre en place un processus permettant aux employés, ou à un employé en particulier, d’acquérir la librairie pour maintenir son esprit et sa vision.

La solution finale : Reprise collective par une coopérative de solidarité

Adopter le modèle de coopérative de solidarité, permettant ainsi à l’ensemble des employés de participer activement à la gestion et à l’avenir de la librairie.

Une reprise collective sous le signe de la solidarité

Shannon Desbiens, libraire aux Bouquinistes depuis 14 ans, a été sollicité par Anne et Laval lorsqu’ils ont commencé à envisager leur retraite. “Ils m’ont demandé si j’étais prêt à acheter la librairie, mais je ne me sentais pas vraiment fait pour le rôle d’entrepreneur”, explique-t-il.

Finalement, le modèle de coopérative de solidarité s’est révélé être la meilleure solution. Anne Le May a mené des recherches approfondies, et en 2019, le Centre de transfert des entreprises du Québec (CTEQ) a soutenu le lancement du projet, en collaboration avec des conseillers de la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ).

Pour Shannon, la coopérative offrait l’opportunité de s’appuyer non seulement sur ses propres forces, mais aussi sur celles de son équipe. “Ce modèle est plus égalitaire et diversifié. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la certitude que, même en quittant, la librairie continuera d’exister. Cela réduit la pression sur mes épaules.”

La coopérative de solidarité a été choisie car elle permet d’élargir le cercle des membres, en incluant des membres de soutien et des utilisateurs, ce qui favorise une plus grande mobilisation et une diversité d’expertises pour une gouvernance améliorée de l’entreprise.

Les défis de la reprise collective

Un projet de reprise collective, comme celui des Bouquinistes, comporte inévitablement des défis. Bien que l’entreprise soit en bonne santé financière, avec un personnel engagé et compétent, et une solide implantation dans sa communauté, plusieurs obstacles ont dû être surmontés.

  1. Manque d’expérience en affaires et méconnaissance du modèle coopératif parmi les repreneurs.
    • PISTES DE SOLUTION :
      • Former une équipe aux expertises et compétences complémentaires.
      • Recourir à l’aide d’experts pour guider le processus.
      • Poser des questions et rechercher activement de l’information.
  2. Négociations longues et parfois complexes entre les cédants, les repreneurs et les institutions financières.
    • PISTES DE SOLUTION :
      • Multiplier les occasions de dialogue entre toutes les parties prenantes.
      • Consulter des experts pour faciliter les discussions.
      • Faire preuve de patience tout en maintenant la mobilisation.
  3. Complexité de la fusion entre la société par actions (Inc.) et la coopérative sur le plan fiscal.
    • Ce processus a exigé l’implication de nombreux spécialistes — notaires, fiscalistes, avocats — ainsi que de nombreuses négociations avec les cédants, les repreneurs et les institutions financières. Cet aspect du projet a nécessité un investissement considérable en temps et en rigueur.
  4. Découragement occasionnel de l’équipe, amplifié par la durée du processus.
    • PISTES DE SOLUTION :
      • Ne pas hésiter à demander du soutien auprès de collègues et de conseillers.
      • Maintenir une communication transparente et régulière entre tous les acteurs impliqués.
      • Se remémorer les objectifs finaux et les motivations qui sous-tendent ce projet.
  5. Compréhension et adaptation au changement de culture d’entreprise par les employés.
    • PISTES DE SOLUTION :
      • Réaffirmer régulièrement la mission de l’entreprise et les valeurs de la coopérative.
      • Solliciter l’avis des membres travailleurs de manière régulière.
      • Pratiquer une écoute active entre tous les membres de l’équipe.

L’accompagnement de la CDRQ

Voici les principales actions menées par les conseillers et le directeur régional Saguenay Lac-Saint-Jean/Côte-Nord de la CDRQ pour accompagner les cédants et les repreneurs dans la démarche de reprise collective :

  • Valider l’intérêt des cédants à vendre à une coopérative et qu’elle réponde aux besoins du cédant.
  • Évaluer la préfaisabilité du projet en coop et identifier les principaux enjeux.
  • Évaluer l’intérêt des repreneurs à créer une coopérative pour racheter l’entreprise.
  • Évaluer la faisabilité du projet sur le plan financier | Faire des prévisionnels.
  • Accompagner dans l’élaboration du plan d’affaires et du montage financier préliminaire.
  • Apporter un soutien à la création légale de la coopérative, aux règlements, à l’assemblée de fondation et à la formation du CA.

Les facteurs de réussite

Le succès de la reprise collective repose sur plusieurs facteurs clés :

  • Préparation rigoureuse des cédants et des repreneurs : Il est essentiel de s’informer, de tirer parti des ressources disponibles, de définir les étapes du projet et d’établir une planification solide.
  • Constitution d’un comité provisoire efficace : Ce comité doit rassembler des personnes aux expertises complémentaires, dotées d’un bon leadership et prêtes à s’investir.
  • Esprit d’équipe : L’adhésion à un projet collectif nécessite un véritable plaisir à travailler ensemble.
  • Culture de la transparence et de la collaboration : Être ouvert à la discussion et prêt à faire des compromis est fondamental.
  • Communication claire et régulière : Maintenir un dialogue transparent entre cédants et repreneurs est crucial pour assurer le bon déroulement du projet.
  • Anticipation des délais : Prendre en compte les délais potentiels, notamment pour les réponses des institutions financières et les démarches juridiques.
  • Documentation des informations essentielles : Il est important de consigner par écrit des éléments clés, tels que des ententes de confidentialité, des lettres d’intérêt et des lettres d’intention.
  • Mobilisation continue des membres de la coopérative : Une communication régulière avec tous les membres permet de maintenir l’engagement et la motivation.

Témoignage :

« Quand on m’a demandé de devenir membre utilisatrice, j’ai tout de suite accepté. Je tenais à la librairie et je ne voulais pas la perdre. Au début, il y avait de nombreuses réunions, car il y avait beaucoup à faire et à apprendre. Ce n’était pas toujours évident, mais nous étions bien soutenus, notamment par Geneviève Demers. Le fait d’être plusieurs dans ce projet a été un atout, car lorsque l’un d’entre nous commençait à se décourager, les autres étaient là pour l’encourager. J’aime aussi le principe de la coopérative, car cela me donne un sentiment d’appartenance. Je suis secrétaire du conseil d’administration depuis un peu plus d’un an et je suis très optimiste quant à l’avenir de la librairie. Les choses vont vraiment bien ! »
Isabelle Blier, membre utilisatrice

Les résultats

Grâce aux efforts soutenus de Laval Martel et Anne Le May, la librairie Les Bouquinistes était déjà solidement ancrée dans sa communauté et faisait face à la concurrence des grandes chaînes. En mai 2021, l’équipe de la librairie a célébré son 40e anniversaire avec un grand succès et s’est imposée comme un phare culturel pour les Chicoutimiens.

Conclusion

La reprise d’entreprise par les employés est un défi qui demande rigueur et détermination. Mais lorsque le projet est soutenu par des acteurs passionnés, la pérennité de l’entreprise et de son esprit est assurée.

Téléchargez l’étude de cas des Bouquinistes.

Les ressources

Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ)

Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ)

Organismes de développement locaux et partenaires financiers | MRC, SADC, Desjardins et ses filiales, Investissement Québec, Fiducie du Chantier de l’économie sociale, Filaction, MicroEntreprendre, RISQ

Soda Diack Coordonnatrice à la reprise collective